Royo l’écureuil étourdi

Un beau jour Royo et sa famille se lancèrent dans une grande aventure : vivre en Corse. Après avoir embarqué clandestinement à bord du ferry Pasquale Paoli, les voici arrivés au port de Bastia.

Il est 6 heures du matin, nous sommes au beau mois de mai, Royo, ses frères et sœurs ainsi que ses parents se dirigent vers la place Saint-Nicolas avec l’espoir de trouver des noisettes pour leur petit déjeuner et faire plus ample connaissance avec les habitants. Pourtant, à leur grande surprise, ils ne rencontrent aucun écureuil. En effet, la Corse n’est pas vraiment le pays des écureuils. Les écureuils ne sont pas une espèce endémique de l’île. Il y a quelques années pourtant, une vielle dame avait clamé avoir aperçu un écureuil près de sa maison à Corté. Ceci avait fait, à l’époque, la une du Corse matin. Par la suite, les journalistes avaient découvert que la vielle dame abusait du limoncello et que, ce qu’elle avait vu, était en réalité un chat effrayé par le chien du voisin qui avait la queue touffue et gonflée et courait dans les branches du grand châtaignier du village pour se cacher. En réalité, aucun écureuil ne vit sur l’île.

Royo et sa famille décident quand même de gagner la Castagniccia, une des rares régions de l’île où subsiste une nature des quatre saisons avec une forêt riche en châtaigniers, noisetiers et autres arbres remarquables. Sur leur chemin ils se retrouvent par hasard sur la plage de la Marana en dessous de Bastia proche de l’étang de Biguglia. Cette plage immense et déserte leur apparaît belle et apaisante après un voyage mouvementé ; de plus elle est bordée d’une belle pinède ombragée et accueillante. Ils changent d’avis et décident de s’installer dans la pinède u pinetu.
Les grands pins ont tous vue sur la mer et puis les pignons c’est délicieux et très riche en nutriments.

Papouk (le papa écureuil) construit une maison et charge ses enfants de différentes tâches. Royo doit accumuler des réserves pour l’hiver et ceci n’est pas chose simple !
Mais il arrive rapidement à reconnaitre les belles pommes de pin qui contiennent les précieux pignons. Il en ramasse beaucoup et les cache en prévision des mauvais jours à différents endroits : sous la souche proche de l’entrée de la pinède, près de l’étang mais aussi dans un endroit magnifique où poussent les lys de mer blancs. Finalement, Royo est très fier de lui car il a amassé et caché suffisamment de pignons pour mettre toute sa famille à l’abri de la famine hivernale.

Les jours se suivent et il est temps d’entamer les réserves car le vent froid commence à souffler sur la pinède, la mer est déchainée certains jours et pénètre dans la pinède. La famille écureuil préfère séjourner dans le beau nid douillet que Mamouki a aménagé avec soin dans un grand arbousier touffu à l’abri des intempéries. Il est grand temps, désormais, d’entamer les réserves de graines faites par le petit Royo. Un beau matin d’hiver ensoleillé Royo part donc à la recherche de ses réserves. Malheureusement la tempête a tout ravagé et il ne retrouve plus les emplacements de ses cachettes. Les lys blancs des mers ont fané, les souches ont été déplacées par la mer et les herbes qui lui servaient de repère ont disparu.

Royo est paniqué car il a très peur de se faire gronder ; il rentre tout penaud chez lui et explique à sa famille que ses réserves sont perdues à jamais. Heureusement, Papouk et Mamouki avaient prévu des réserves d’urgence et la famille écureuil ne manquera de rien. Royo est très triste car il a fait tout ce travail pour rien. Sa maman le réconforte en lui disant qu’un jour, d’une manière ou d’une autre, il retrouvera ses réserves.

Une nuit d’été très chaude, alors que le vent se lève, un incendie se déclare. Aussitôt c’est la panique chez les écureuils. Ils courent se réfugier sur la plage pour regarder tristement leur belle pinède paradisiaque disparaitre sous les cendres. Après un moment le feu se calme, et disparait en silence dans la mer sous les yeux tristes des petits écureuils. Au petit matin c’est la désolation, tout est noir comme un cratère de volcan. Quelques chênes lièges ont résisté aux flammes et les écureuils s’y installent alors en sécurité.

Puis viennent les orages de la fin de l’été. Royo est triste sa belle pinède a disparu et il n’a rien pu faire pour combattre ce feu violent. Il se promène en ronchonnant dans le désert charbonneux qu’est désormais sa pinède. Et il remarque des petites pousses de pin un peu partout. Il y en a vers l’étang, vers les lys blancs des mers … en fait il y en a partout où Royo avait caché ses graines !!! Le feu a rendu la terre fertile en brûlant les vieux arbres et le soleil a réchauffé les petites graines de Royo qui ont pu germer pour refaire ce qui deviendra une belle forêt.

Quelques années plus tard les traces du feu ont disparu et la forêt est plus belle que jamais. Royo est fier car c’est un peu grâce à lui si la pinède est si belle. Royo est devenu un grand jardinier sans s’en rendre compte, c’est que l’on appelle la zoochorie. L’étourderie du petit écureuil a été bien utile finalement, car cela a permis à la pinède de se régénérer et puis ces graines sont beaucoup mieux en arbres que dans son estomac !

Si toi aussi, comme Royo, tu es de temps en temps tête en l’air, peut-être que tes étourderies généreront de belles surprises comme cela s’est passé pour Royo le petit écureuil.